Spinoza Encule Hegel by Jean-Bernard Pouy

Spinoza Encule Hegel by Jean-Bernard Pouy

Auteur:Jean-Bernard Pouy [Pouy, Jean-Bernard]
La langue: fra
Format: epub, mobi
Tags: Policier - Crime - Mystère
ISBN: 9782070409624
Éditeur: Baleine
Publié: 1978-12-31T23:00:00+00:00


Je lui fis donc prendre la place de ses chassés dérisoires. Elle partit dans une 504 quasi neuve, moi je pris une Mercedes un peu cabossée, mais en état.

Et, dans le petit matin, elle démarra. Je lui laissai une centaine de mètres d’avance et m’élançai à sa poursuite. Elle alla bougrement vite, connaissant le périf par cœur. Elle me sema assez rapidement, moi et mon mastodonte inexpressif. Aussi, je me suis arrêté et j’ai garé la Mercedes au milieu d’autres épaves. J’ai attendu. J’ai attendu longtemps. Vers midi, j’aperçus la 504 revenir, en marche arrière, tout doucement. Je rigolai et me planquai sous le tableau de bord. Elle dut croire que je l’avais laissé tomber, lassé. Et, toujours à l’envers, elle revint vers son campement.

Je démarrai en trombe et repris le périf, en faisant hurler les pneus. Aussitôt, elle me suivit. L’erreur. Je réfléchis vite. Elle avait dû se trouver d’autres armes, sinon elle n’entamerait pas la poursuite. Elle ne força pas trop l’allure, car nous arrivâmes porte Brancion sans heurt. Là, elle accéléra brusquement et voulut me pousser. Je freinai en pilant et elle me percuta à l’arrière. Je me retournai et, tout en redémarrant, tirai trois coups de feu à travers la vitre arrière. Celle-ci explosa ainsi que le pare-brise de la 504. Jaja riposta et deux balles sifflèrent à mes oreilles, rasant de près mon occiput. Fini la comédie !

J’accélérai et freinai à nouveau, mais avant qu’elle me percute, je sautai hors de ma voiture et vidai mon chargeur à travers la portière de la Peugeot. Jaja ne bougea pas, assise à l’intérieur de son cercueil à roulettes. La vision de ses mèches brunes et de ses yeux verts était atténuée par la poussière passant au ralenti devant la vitre avant. Elle me regardait sans rien dire. Je rechargeai mon arme et m’avançai. J’ouvris la portière avec précaution. Jaja me regardait toujours, les larmes aux yeux, les bras ballants de chaque côté de son siège, un peu de sang coulant de son ventre et de sa hanche. Je me sentis gêné quand même. Je la pris tendrement dans mes bras. Elle gémit et me demanda de l’allonger sur le siège arrière. C’était comme la fin d’un film triste, d’un film d’aventures et d’action. J’embrassai ses lèvres douces et elle me rendit un baiser anormal, ouvert certes, mais sans profondeur, comme si ses dents faisaient barrage et sa langue écran.

— T’avais qu’à pas faire ça, lui dis-je.

— Un peu d’eau…

— T’avais qu’à pas faire ça…

— Je te demande pardon, Spinoza…

— J’m’appelle pas Spinoza, j’m’appelle Julius, c’est trop tard.

Je l’embrassai encore, j’y reprenais goût, aux baisers des femmes et à l’intérieur rose de leur corps. Elle ouvrit un peu plus la bouche, bougea la tête, comme pour se libérer, et projeta en moi son dernier souffle, effleurant mon palais d’un vent déjà mortel.

Je revins à l’appartement.

Momo et Crocs, inquiets, sourirent. Ils me présentèrent deux nouvelles recrues issues de Crash 69, Émile et Loulou, aux regards fuyants mais pleins d’histoires. Juste retour des choses.



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